Alyah regardait la ville à travers les
immenses fenêtres de l’appartement. Sous elle, Destrim s’éveillait pour une
nouvelle nuit. Les lumières s’allumaient dans les rues animées, celles-ci se
peuplant à un rythme effrayant. Les restaurants et les boîtes de nuit ouvraient
pour les folles heures à venir. C’était toujours ainsi, à Destrim, et c’était
pourquoi on y restait. Si les journées étaient banales et ordinaires, dès que
le soleil se couchait, tout changeait. La vie explosait à tous les coins de
rues. La fête éclatait dans tous les établissements. C’était une ville nocturne
et tous le savaient.
Le père d’Alyah l’avait bien compris et
il avait décidé d’exploiter le marché énorme de Destrim. Il était propriétaire
de la majorité des boîtes de nuit de la ville, de plusieurs restaurants et de
quelques hôtels et casinos de luxe. Il habitait avec son adolescente de 16 ans
le dernier étage de l’hôtel le plus connu de la ville, le Black Diamond. Possédant de nombreuses suites de luxe hébergeant
différentes célébrités de passage, l’établissement était également réputé pour
ses services particuliers et son restaurant gastronomique. Évidemment, le prix
reflétait sa qualité.
Monsieur Evans était bien entendu un
homme très occupé. Aly le voyait rarement à la maison, mais elle n’était pas
seule. Il y avait des employés de l’hôtel qui s’occupaient d’entretenir
l’appartement et s’assuraient que le frigidaire était toujours plein. Ainsi,
elle n’avait pas à s’inquiéter de rien. Elle n’avait qu’à fréquenter l’école
secondaire privée de Destrim et bien réussir; son avenir était assuré.
Du haut de sa tour, cependant,
l’adolescente regardait la ville s’allumer avec un regard vide. Elle n’aimait
pas Destrim, elle trouvait ses habitants vains et superficiels. Tout n’était
que mascarade, amusement temporaire et peu satisfaisant. Pourtant, dès que la
lune était haute dans le ciel, elle se joignait à la foule en délire. Elle
allait danser et s’amuser avec des amis ou des inconnus, ou parfois seule, peu
importait. C’était la façon de vivre, ici à Drestrim, et elle n’était pas une
exception. Bien qu’elle n’y prenait pas un plaisir particulier, elle le faisait
ne serait-ce que pour occuper ses nuits. Comment faire autrement?
Alyah se détacha des fenêtres et se
dirigea vers l’ascenseur. Il était temps pour elle de se joindre aux masses
populaires. Elle avait déjà troqué son uniforme scolaire pour quelque chose de
plus approprié : mini-jupe et haut serré. Il y avait une boîte de nuit qu’elle
fréquentait particulièrement, La licorne
dorée, et elle savait qu’elle ne croiserait que rarement des camarades de
classe. Lorsqu’elle sortait avec des copains, elle allait ailleurs. Elle
n’avait pas envie de se mêler aux autres avec sa réputation d’étudiante modèle,
bien que tout le monde se doutait qu’elle faisait la fête comme le reste de la
ville lorsque le soleil disparaissait derrière les montagnes qui protégeaient
Destrim.
Elle se mouvait parmi les gens en les
évitant le plus possible. Elle n’aimait pas les contacts inutiles. Dans les
rues de Destrim, toutefois, c’était quasi impossible. Plusieurs fois, on
l’approcha pour lui vendre divers produits, pour la convaincre de visiter tel
ou tel endroit, ou même pour lui glisser des échantillons gratuits de toutes
sortes. Elle les ignorait tous sans leur jeter le moindre regard. Ils ne
l’intéressaient pas le moindrement. Peu l’intéressait de toute façon.
À l’entrée, on la laissa passer sans
poser de questions. Tous savaient qui elle était, son père possédait la moitié
des établissements de la ville, alors on la laissait faire ce qu’elle voulait.
Et ce soir, elle avait envie de danser. La musique électro était forte et
c’était parfait. Elle n’entendait plus rien que le rythme qui battait dans son
sang, emplissant sa tête. Elle se perdait entièrement lorsqu’elle dansait.
Personne ne l’approchait tant elle semblait en transe, mais elle avait aussi
quelques personnes qui gardaient un œil sur elle pour s’assurer que rien ne lui
arrivait. Certains étaient des agents payés par son père, d’autres avaient leur
propres raisons.
L’une de ces personnes la regardait
attentivement en ce moment même. Elle se demandait si elle devrait l’approcher,
si le temps était venu. Elle sirotait son cocktail tranquillement, sachant que
l’alcool ne l’affecterait pas. Elle n’arrivait pas à croire à quel point il
fallait activer les Gardiens si jeunes, ces temps-ci. Les besoins de la guerre…
et c’était son devoir de s’assurer que les rangs de l’armée blanche
grossissaient. Les rouges recrutaient constamment et n’auraient certainement
pas de scrupules à activer une enfant de 16 ans. Elle soupira. L’adolescente
aux cheveux noirs ferait amplement l’affaire.
Une femme se leva et quitta le comptoir,
laissant un verre vide. Alyah quitta enfin la piste de danse, exténuée. La nuit
achevait, il était temps de se reposer comme l’on pouvait avant d’embarquer
dans la routine. La jeune fille sortit dans les rues qui se vidaient, prenant
le chemin habituel. Des pas derrière elle. Une voix.
- Un moment de votre temps, mademoiselle?
Silence absolu. Tout sembla se figer autour
d’elle tandis qu’elle se retourna vivement. Une femme mi-vingtaine aux cheveux
flambants roux la fixait de son regard vert intense. Elle avait l’air
terriblement sérieux malgré ses vêtements révélateurs. La musique des boîtes de
nuit semblait s’être arrêtée, pas même le vent soufflait. Alyah lui retournait
son regard, tendue. Que lui voulait-elle.
Soudain, la femme sourit et tout sembla
s’adoucir; la lumière des néons n’était plus aussi aveuglante qu’auparavant.
- Alyah, je m’appelle Kiriel. Je suis
heureuse de faire officiellement ta connaissance.
L’adolescente hocha de la tête,
incertaine de comprendre. Était-elle supposée s’avoir qui elle était?
- Je ne veux pas t’alarmer, mais une
guerre se prépare et nous avons besoin de toi. Ce n’est pas une guerre ordinaire,
loin de là. Que sais-tu des Anges et des Démons?
Alyah se mit à rire. C’était une question
tellement absurde! Anges et démons? Elle ne croyait plus à cela depuis des
années. Ce n’étaient que des fables, comme les dragons et les elfes, non?
Pourtant, Kiriel avait l’air d’y croire. Peut-être avait-elle trop bu?
- Tu n’y crois pas. Je ne t’en veux pas,
tant d’histoires ont été contées à notre sujet, personne ne distingue le vrai
du faux. C’est plus facile de penser que tout est faux. Nous existons
réellement, Anges et Démons. Tu en apprendras davantage à notre sujet avec le
temps, chose qui nous manque en ce moment. Je te dirai simplement ce que tu as
besoin de savoir.
La jeune fille resta interdite, tentant
de rationaliser la sitaution. Une partie d’elle avait envie de partir à courir,
fuir cette folle, mais elle en était incapable. Kiriel avait piqué son intérêt
et elle avait envie d’entendre ce qu’elle avait à dire.
- Il existe trois Sphères, la Sphère de
Lumière que vous appelez Paradis, la Sphère Neutre qui vous appartient et la
Sphère des Ténèbres que vous appelez Enfer. Les Anges habitent la première
tandis que les Démons habitent la dernière. Jusqu’à récemment, la Sphère Neutre
était vôtre et personne ne devait intervenir autre que de façon mineure. Le roi
des Ténèbres est mort et le Prince désire conquérir les trois Sphères. Il
prépare une armée de Démons, mais aussi de Fighters. Ce sont des humains aux
capacités particulières qui ont un lien avec un être surnaturel, Ange ou Démon.
Nous avons notre propre armée, mais nous avons besoin de tous les Fighters que
nous pouvons rassembler. Tu fais partie de ces guerriers, mais c’est à toi de
choisir avec qui tu te lieras. Tout humain a le potentiel d’être bon ou mauvais
et donc le choix t’appartient. Je crois être la première à t’avoir approchée et
j’espère que tu nous rejoindras dans le combat qui déterminera le sort de ton
monde. Nous voulons le préserver, ils veulent le détruire.
Kiriel lui tandis une pièce de monnaie
dorée avec des ailes imprimées sur le dessus et son nom au verso.
- Ceci te permettra de communiquer avec
moi. Je ne te demande pas de prendre une décision maintenant, mais songes-y attentivement.
Je ne serai pas loin, si tu as besoin de moi. Tes pouvoirs se manifesteront
probablement bientôt, si ce n’est pas déjà fait. Et si tu veux simplement
parler et en apprendre davantage, n’hésite pas.
Elle sourit et fit un geste rapide. Le
temps se mit à couler normalement, son éclat disparut. Destrim était à nouveau
ce qu’elle était avant le lever du soleil, une ville qui avait trop fêté et qui
avait besoin de repos.
- Je dois filer maintenant, mais fais
attention. Tes gardes du corps ne seront pas de taille à affronter un Démon. À
bientôt, Alyah.
La femme lui tourna le dos et se mêla à
la foule. Aly la perdit de vue rapidement tandis qu’elle restait immobile au
milieu du trottoir, bousculée par des gens saouls et pressés de rentrer chez
eux. La tête pleine de questions, elle se demanda si elle ne venait pas de
rêver cette scène. Elle n’avait pas bu, elle ne buvait jamais, donc ce ne
pouvait être l’alcool, mais elle était si fatiguée qu’elle aurait pu très bien
imaginer tout cela.
Derrière elle, elle perçut un mouvement.
Trois hommes armés qui s’avançaient vers elle, l’air inquiet. L’un d’entre eux
s’approcha, leur capitaine probablement. Elle ne le distinguait pas clairement,
car il avait des verres fumés malgré le ciel sombre.
- Miss Evans, tout va bien? Désirez-vous
que l’on vous appelle une voiture? Miss Evans?
Sa voix semblait terriblement jeune,
pensa-t-elle avant de se sentir étourdie. Puis, elle perdit connaissance. Le
jeune capitaine ordonna qu’on appelle une voiture et s’élança vers elle. Il
s’assura qu’elle était vivante et qu’elle n’était pas blessée, puis la pris
dans ses bras. Il la déposa sur le siège arrière de la limousine qui se
présenta et escorta l’adolescente au Black
Diamond. Il avait vu cette femme s’approcher et lui parler quelques
instants, mais il n’avait pas pu entendre leur court échange. Qu’était-il donc arrivé?
Était-il trop tard?
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