May 3, 2013

Aequilibrium - Première partie


Alyah regardait la ville à travers les immenses fenêtres de l’appartement. Sous elle, Destrim s’éveillait pour une nouvelle nuit. Les lumières s’allumaient dans les rues animées, celles-ci se peuplant à un rythme effrayant. Les restaurants et les boîtes de nuit ouvraient pour les folles heures à venir. C’était toujours ainsi, à Destrim, et c’était pourquoi on y restait. Si les journées étaient banales et ordinaires, dès que le soleil se couchait, tout changeait. La vie explosait à tous les coins de rues. La fête éclatait dans tous les établissements. C’était une ville nocturne et tous le savaient.

Le père d’Alyah l’avait bien compris et il avait décidé d’exploiter le marché énorme de Destrim. Il était propriétaire de la majorité des boîtes de nuit de la ville, de plusieurs restaurants et de quelques hôtels et casinos de luxe. Il habitait avec son adolescente de 16 ans le dernier étage de l’hôtel le plus connu de la ville, le Black Diamond. Possédant de nombreuses suites de luxe hébergeant différentes célébrités de passage, l’établissement était également réputé pour ses services particuliers et son restaurant gastronomique. Évidemment, le prix reflétait sa qualité.

Monsieur Evans était bien entendu un homme très occupé. Aly le voyait rarement à la maison, mais elle n’était pas seule. Il y avait des employés de l’hôtel qui s’occupaient d’entretenir l’appartement et s’assuraient que le frigidaire était toujours plein. Ainsi, elle n’avait pas à s’inquiéter de rien. Elle n’avait qu’à fréquenter l’école secondaire privée de Destrim et bien réussir; son avenir était assuré. 

Du haut de sa tour, cependant, l’adolescente regardait la ville s’allumer avec un regard vide. Elle n’aimait pas Destrim, elle trouvait ses habitants vains et superficiels. Tout n’était que mascarade, amusement temporaire et peu satisfaisant. Pourtant, dès que la lune était haute dans le ciel, elle se joignait à la foule en délire. Elle allait danser et s’amuser avec des amis ou des inconnus, ou parfois seule, peu importait. C’était la façon de vivre, ici à Drestrim, et elle n’était pas une exception. Bien qu’elle n’y prenait pas un plaisir particulier, elle le faisait ne serait-ce que pour occuper ses nuits. Comment faire autrement?

Alyah se détacha des fenêtres et se dirigea vers l’ascenseur. Il était temps pour elle de se joindre aux masses populaires. Elle avait déjà troqué son uniforme scolaire pour quelque chose de plus approprié : mini-jupe et haut serré. Il y avait une boîte de nuit qu’elle fréquentait particulièrement, La licorne dorée, et elle savait qu’elle ne croiserait que rarement des camarades de classe. Lorsqu’elle sortait avec des copains, elle allait ailleurs. Elle n’avait pas envie de se mêler aux autres avec sa réputation d’étudiante modèle, bien que tout le monde se doutait qu’elle faisait la fête comme le reste de la ville lorsque le soleil disparaissait derrière les montagnes qui protégeaient Destrim.

Elle se mouvait parmi les gens en les évitant le plus possible. Elle n’aimait pas les contacts inutiles. Dans les rues de Destrim, toutefois, c’était quasi impossible. Plusieurs fois, on l’approcha pour lui vendre divers produits, pour la convaincre de visiter tel ou tel endroit, ou même pour lui glisser des échantillons gratuits de toutes sortes. Elle les ignorait tous sans leur jeter le moindre regard. Ils ne l’intéressaient pas le moindrement. Peu l’intéressait de toute façon.

À l’entrée, on la laissa passer sans poser de questions. Tous savaient qui elle était, son père possédait la moitié des établissements de la ville, alors on la laissait faire ce qu’elle voulait. Et ce soir, elle avait envie de danser. La musique électro était forte et c’était parfait. Elle n’entendait plus rien que le rythme qui battait dans son sang, emplissant sa tête. Elle se perdait entièrement lorsqu’elle dansait. Personne ne l’approchait tant elle semblait en transe, mais elle avait aussi quelques personnes qui gardaient un œil sur elle pour s’assurer que rien ne lui arrivait. Certains étaient des agents payés par son père, d’autres avaient leur propres raisons.

L’une de ces personnes la regardait attentivement en ce moment même. Elle se demandait si elle devrait l’approcher, si le temps était venu. Elle sirotait son cocktail tranquillement, sachant que l’alcool ne l’affecterait pas. Elle n’arrivait pas à croire à quel point il fallait activer les Gardiens si jeunes, ces temps-ci. Les besoins de la guerre… et c’était son devoir de s’assurer que les rangs de l’armée blanche grossissaient. Les rouges recrutaient constamment et n’auraient certainement pas de scrupules à activer une enfant de 16 ans. Elle soupira. L’adolescente aux cheveux noirs ferait amplement l’affaire.

Une femme se leva et quitta le comptoir, laissant un verre vide. Alyah quitta enfin la piste de danse, exténuée. La nuit achevait, il était temps de se reposer comme l’on pouvait avant d’embarquer dans la routine. La jeune fille sortit dans les rues qui se vidaient, prenant le chemin habituel. Des pas derrière elle. Une voix.

- Un moment de votre temps, mademoiselle?

Silence absolu. Tout sembla se figer autour d’elle tandis qu’elle se retourna vivement. Une femme mi-vingtaine aux cheveux flambants roux la fixait de son regard vert intense. Elle avait l’air terriblement sérieux malgré ses vêtements révélateurs. La musique des boîtes de nuit semblait s’être arrêtée, pas même le vent soufflait. Alyah lui retournait son regard, tendue. Que lui voulait-elle.

Soudain, la femme sourit et tout sembla s’adoucir; la lumière des néons n’était plus aussi aveuglante qu’auparavant.

- Alyah, je m’appelle Kiriel. Je suis heureuse de faire officiellement ta connaissance.

L’adolescente hocha de la tête, incertaine de comprendre. Était-elle supposée s’avoir qui elle était?

- Je ne veux pas t’alarmer, mais une guerre se prépare et nous avons besoin de toi. Ce n’est pas une guerre ordinaire, loin de là. Que sais-tu des Anges et des Démons?

Alyah se mit à rire. C’était une question tellement absurde! Anges et démons? Elle ne croyait plus à cela depuis des années. Ce n’étaient que des fables, comme les dragons et les elfes, non? Pourtant, Kiriel avait l’air d’y croire. Peut-être avait-elle trop bu?

- Tu n’y crois pas. Je ne t’en veux pas, tant d’histoires ont été contées à notre sujet, personne ne distingue le vrai du faux. C’est plus facile de penser que tout est faux. Nous existons réellement, Anges et Démons. Tu en apprendras davantage à notre sujet avec le temps, chose qui nous manque en ce moment. Je te dirai simplement ce que tu as besoin de savoir.

La jeune fille resta interdite, tentant de rationaliser la sitaution. Une partie d’elle avait envie de partir à courir, fuir cette folle, mais elle en était incapable. Kiriel avait piqué son intérêt et elle avait envie d’entendre ce qu’elle avait à dire.

- Il existe trois Sphères, la Sphère de Lumière que vous appelez Paradis, la Sphère Neutre qui vous appartient et la Sphère des Ténèbres que vous appelez Enfer. Les Anges habitent la première tandis que les Démons habitent la dernière. Jusqu’à récemment, la Sphère Neutre était vôtre et personne ne devait intervenir autre que de façon mineure. Le roi des Ténèbres est mort et le Prince désire conquérir les trois Sphères. Il prépare une armée de Démons, mais aussi de Fighters. Ce sont des humains aux capacités particulières qui ont un lien avec un être surnaturel, Ange ou Démon. Nous avons notre propre armée, mais nous avons besoin de tous les Fighters que nous pouvons rassembler. Tu fais partie de ces guerriers, mais c’est à toi de choisir avec qui tu te lieras. Tout humain a le potentiel d’être bon ou mauvais et donc le choix t’appartient. Je crois être la première à t’avoir approchée et j’espère que tu nous rejoindras dans le combat qui déterminera le sort de ton monde. Nous voulons le préserver, ils veulent le détruire.

Kiriel lui tandis une pièce de monnaie dorée avec des ailes imprimées sur le dessus et son nom au verso.

- Ceci te permettra de communiquer avec moi. Je ne te demande pas de prendre une décision maintenant, mais songes-y attentivement. Je ne serai pas loin, si tu as besoin de moi. Tes pouvoirs se manifesteront probablement bientôt, si ce n’est pas déjà fait. Et si tu veux simplement parler et en apprendre davantage, n’hésite pas.

Elle sourit et fit un geste rapide. Le temps se mit à couler normalement, son éclat disparut. Destrim était à nouveau ce qu’elle était avant le lever du soleil, une ville qui avait trop fêté et qui avait besoin de repos.

- Je dois filer maintenant, mais fais attention. Tes gardes du corps ne seront pas de taille à affronter un Démon. À bientôt, Alyah.

La femme lui tourna le dos et se mêla à la foule. Aly la perdit de vue rapidement tandis qu’elle restait immobile au milieu du trottoir, bousculée par des gens saouls et pressés de rentrer chez eux. La tête pleine de questions, elle se demanda si elle ne venait pas de rêver cette scène. Elle n’avait pas bu, elle ne buvait jamais, donc ce ne pouvait être l’alcool, mais elle était si fatiguée qu’elle aurait pu très bien imaginer tout cela.

Derrière elle, elle perçut un mouvement. Trois hommes armés qui s’avançaient vers elle, l’air inquiet. L’un d’entre eux s’approcha, leur capitaine probablement. Elle ne le distinguait pas clairement, car il avait des verres fumés malgré le ciel sombre.

- Miss Evans, tout va bien? Désirez-vous que l’on vous appelle une voiture? Miss Evans?

Sa voix semblait terriblement jeune, pensa-t-elle avant de se sentir étourdie. Puis, elle perdit connaissance. Le jeune capitaine ordonna qu’on appelle une voiture et s’élança vers elle. Il s’assura qu’elle était vivante et qu’elle n’était pas blessée, puis la pris dans ses bras. Il la déposa sur le siège arrière de la limousine qui se présenta et escorta l’adolescente au Black Diamond. Il avait vu cette femme s’approcher et lui parler quelques instants, mais il n’avait pas pu entendre leur court échange. Qu’était-il donc arrivé? Était-il trop tard?

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